Entrailles de la HKW par un vendredi soir pluvieux et sombre. Ca sonne tout vide là-dedans. C'est ça que j'aime bien aussi avec la Haus der Kulturen der Welt. On a toujours l'impression de ne pas être assez nombreux. Quoi qu'il s'y passe c'est trop grand. Même venir est un effort. Dans la salle de cinéma, on est trente au maximum à se sécher les os en attendant le début des deux documentaires. "Wir bleiben hier" et "Duvarlar-Mauern-Walls" projetés dans le cadre du cycle "1989 Globale Geschichten" qui se termine demain. Et oui, les 20 ans du mur, commémoration, remuage de mémoire, rabachage d'images. Mais là il s'est passé autre chose. La HKW pose une autre question, presque inaudible dans le chant des célébrations : Qu'est-ce que la réunification a changé dans la vie des immigrés et de leurs enfants, à l'ouest et à l'est? Tournés en 1991, de chaque côté d'un mur en disparition, les documentaires éclairent un chapitre négligé de la chute du mur. "Wir bleiben hier" de Dirk Otto, suit une famille vietnamienne dans les mois qui suivent la chute du mur. On les voit assis devant leur télé le jour de la réunification officielle des deux Allemagnes. "Nous nous réjouissons pour les Allemands. Mais on n'a pas le coeur à aller fêter ça. On préfère rester dans l'appartement". De l'autre côté du mur, dans le documentaire de Can Candan, étudiant turc aux Etats-Unis, les immigrés turcs ne disent pas autre chose dans "Durvarlar-Mauern-Walls". "On se rejouit de la chute du mur. On a voulu aller fêter ça mais les Allemands nous ont lancé des regards qui laissaient entendre, vous n'avez rien à faire là, cette fête ne vous regarde pas". D'un côté les 80000 Vietnamiens, venus avec des contrats de cinq ans en RDA. La chute du mur, signifie la fin des contrats. LA moitié d'entre eux seront poussés vers la sortie avec 3000 DM et un aller simple gratuit. D'autres, comme cette famille que nous suivons clament leur droit à rester. A lOuest l'histoire n'est pas tout à fait la même pour les 140000 Turcs berlinois de l'époque. La plupart vivent à Kreuzberg, Schöneberg, à deux pas du mur. Les premiers d'entre eux sont arrivés 30 ans auparavant, en 1961. Estampillés gastarbeiter, sans droit civique, sans possibilité de nationalité allemande pour leurs enfants, ils ont commencé à se battre pour une reconnaissance et un droit à l'intégration. La chute du mur viendra balayer leurs efforts. L'Allemagne a autre chose à faire que de se préoccuper de ses immigrés. A l'Est, les usines ferment les unes après les autres, les travailleurs vietnamiens n'ont plus de travail. Les Berlinois de l'Est affluent à l'Ouest sur le marché du travail. Moins cher que la main d'oeuvre turque. Le chômage commence à grimper dans les rangs des travailleurs de Turquie. Au chômage s'ajoute la vague de violence raciste qui s'abat à l'est comme à l'ouest. Dans le documentaire de Can Candan, les Turcs mettent ça sur le dos des Ossis. 'Ils n'avaient jamais vus d'étrangers là-bas, maintenant dès qu'on les croise, on a peur de se faire taper". A l'Est, le couple vietnamien constate aussi une flambée de violence, depuis la chute du mur. Les actes racistes se muliplient, des immigrés meurent brûlés vifs dans les Länder de l'Est comme de l'Ouest. "Que devons-nous dire à la communauté turque? Rentrez ou restez? Les Juifs dans les années 30 n'ont pas tous compris qu'il fallait quitter Berlin. Aujorud'hui on nous dit que le temps du nazisme est finie, je n'en suis pas si sûre". Ces paroles proviennent d'une élue d'origine turque au parlement berlinois. C'est dire le climat qui régnait à Berlin dans les mois qui ont suivi la réunification. La plupart des Turcs qui tépoignent dans le documentaire, qu'ils soient vendeurs de souvenirs à Chekpoint Charlie, marchant de quatre saisons sur le marché de Kreuzberg, sociologue ou jeune étudiant, tous disent la peur, la violence, le rejet soudain. Face à un Turc lui aussi émigré, mais totalement étranger à l'Allemagne, les discours semblent se libérer. En posant la question de l'identité, de la culture, de l'intégration à un moment crucial de l'histoire allemande Can Candan saisit au vol une parole lourde de sens, qui fait encore écho aujourd'hui.
vendredi 27 février 2009
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2 commentaires:
Merci pour ce post, très instructif.
merci.
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