On pourrait se contenter de cette scène là. 20 minutes d'une ouverture époustouflante, burlesque, tragique, où se côtoient le sexe et la mort. Devant, la terre sombre recouvre toute chose. Au loin, très loin, la table de banquet célèbre des noces. Ostermeier s'évite les détours, débute son Hamlet par le remariage de la reine et un enterrement sous la pluie qui restera dans les mémoires du théâtre contemporain. Le muet l'emporte, à part ce "To be or not to be" lâché en prélude, comme pour se débarrasser au plus vite du mythe et revenir au trivial. Le jeu se réduit à cinq acteurs qui se partagent les rôles comme autant de nouvelles clés pour observer la plus célèbre des tragédies shakespeariennes. Dans un jeu de double, le roi est aussi Claudius l'usurpateur, Gertrud est Ophélie. Seul Hamlet campe Hamlet. Et cela lui suffit bien à ce fils largué,inconsoloable enfant confronté au machiavélisme, en proie à la folie, au chagrin. Le héros romantique est ici un dérangé clownesque, un inadapté maladif, qui préfère regarer le monde à travers l'objectif d'une caméra. Lars Eidinger éclate de talent en Hamlet replet et blasé. Avignon a vu son lot de grincheux : pas assez préparé, pas assez abouti. Depuis Ostermeier a eu le temps de retravailler. Avouez tout de même que des Hamlet comme ça vous n'en aviez jamais mangé! Des acteurs qui n'ont pas peur de faire les clowns en mangeant la terre, de se filmer en déclamant des vers, de vous regarder en face, les pieds ancrés dans la boue, le corps arc-boûté. Shakespeare n'a pas échappé à une petite séance d'époussetage. Les tournures revues par Mayenburg virent au crû, et les scènes ont été allègrement tronçonnées. Loin des décors sobres et bourgeois habituels, le scénographe Jan Pappelbaum a choisi la terre pour célébrer cette mascarade de sexe et de mort. Cet humus qui recouvre les trois quarts de la scène semble nous rappeler l'essence d'un théâtre de matière, qui se suffit des mots, et du jeu. Le goût ferrugineux de la boue arrive jusque dans nos bouches. On se demande juste si l'idée (excellente) n'a pas été piquée au chorégraphe irlandais Michael Keegan-Dolan. Sa pièce The Bull créée en 2007 et montrée pour la première fois à Berlin cet hiver, recourt de manière assez troublante aux mêmes procédés. La terre partout (en bien plus grande quantité), les enterrements et les procédés burlesques pour l'agrémenter : tuyau d'arrosage pour simuler la pluie, entre autres.Autre parallèle, la violence des échanges. Dans le Hamlet d'Ostermeier, comme dans Bull on crie on s'insulte, on fornique dans la boue, on crache, on boit ,on baffre, on se travestit. Le directeur de la Schaubühne a choisi le burlesque, le grossier, la matière. C'est parfois racoleur, souvent formidable.
La pièce se joue ce soir, à la Schaubühne, en allemand et avec discussion après le spectacle. Demain, c'est la version surtitrée en français qui est proposée. A 20h.
La pièce se joue ce soir, à la Schaubühne, en allemand et avec discussion après le spectacle. Demain, c'est la version surtitrée en français qui est proposée. A 20h.
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