Joies du journalisme et du grain de folie berlinois, me voilà, un vendredi après-midi dans une salle vide de mon cinéma de quartier face à une grande rousse lancée dans une scène de masturbation torride dans les chiottes d'un café de San Francisco. Enfin la salle n'est pas tout à fait vide. Nous sommes exactement 5 dans le Kino 2 du Movimiento : moi, donc, mais aussi un étudiant en cinéma polonais spécialisé sur le thème porno et féminisme, une chercheuse américaine, une philosophe berlinoise travaillée par le thème de l'imagination, et une inconnue qui se tirera avant la fin du film. C'est qu'il faut avoir une bonne raison pour être là, à s'ingurgiter du sexe hard lesbien - même alternatif et indépendant - en guise de repas de midi. L'étudiant polonais prend des notes pendant tout le film, moi j'officie pour un magazine suisse.
Art House Slut n'y va pas par quatre chemins. Pas de dialogue inutile. Madison Young, égérie et sex activist de la côte Ouest des USA (réalisatrice ET actrice principale du film), fait la manche, s'enfile un gros sandwich dans une cafet', et termine le repas par une séance de masturbation d'anthologie au dessus de la cuvette des chiottes. Images crues, lumière naturelle, grains de peau en gros plan, et bien plus. Les icônes de la scène lesbienne porno de San Francisco sont toutes là, Madison for sure mais aussi Sandie Lune et Syd Blakovich dont je ne connaissais encore pas l'existence hier et que j'ai vu dans trois films différents pendant le festival. Le film qui bouscule les préjugés du cul lesbien doux, gentil, sensuel. Ici on donne dans le trash, et sans tout raconter y'a même de la soupe de tomate en boite, des glaviots et Andy Wahrol. C'est que dans la prod porno alternative, on a le sens du second degré. Ouf. "J'ai trouvé ça bien, me confie Sandra, la philosophe, en sortant de la projection. Peut-être les scènes de cul sont un peu longues." Tu m'étonnes sur les 75 minutes de film, on a du en passer 65 les yeux rivés sur des chattes mouillées. Sandra mate parfois des pornos, travaille sur l'imagination et ma foi a trouvé que ce film lui avait ouvert des nouvelles portes. Fin de mon premier porno lesbien. Comme j'ai une conscience professionnelle sans limite, j'y retourne le soir même pour laséance de courts-métrages Dyke Porn. La salle est archipleine cette fois. 90% de nanas, en couple souvent.
C'est encore le collectif norvégien qui ouvre la séance avec l'hymne In Your Face (my pussy...). Rien de core, de l'humour décalé nordique par une bande de filles déjantées. Récidive avec les Lesbian gymnasts in USSR et Closet. Du mime de porno tout habillé, du gentil quatrième degré. Allez on se lâche, on rigole un bon coup parce qu'après ça redevient sérieux. Ana Span est venu d'Angleterre présenter "Strut the Slut", un moyen métrage, pas vraiment dans les canons lesbiens "dyke", ça applaudit à peine à la fin de la projections. Moi, ignarde, je ne savais pas que montrer deux nanas "qui ont des ongles longs" et qui "ne s'embrassent pas" (merci Louise pour le décryptage) c'est du lesbien pour hétéros, du porno "mainstream" que le public féminin de la salle dénonce silencieusement. Ana Span se défend "je suis bisexuelle, c'est peut-être pour ça. Je ne fais pas des films pour un public particulier (comprenez les femmes) mais pour mon plaisir uniquement". Moi j'ai trouvé ça plutôt excitant. Ana Span est l'une des plus grandes réalisatrices de pornos en Angleterre, a déjà tourné 250 scènes de cul et a créé son propre label. Pas assez à la marge pour ce festival peut-être? On passera sur le niaiseux "Dandelion Fall" qui malgré une photographie et une image soignée n'a réussi qu'à susciter quelques ricanements. Venons en plutôt aux deux courts les plus convaincants, tous deux tirés du futur long métrage Taxi de Jincey Lumpkin. Allez pas besoin d'aller chercher très loin, c'est des filles qui baisent à tour de rôle dans un taxi new-yorkais. Les stars américaines sont de retour: Madison Young, Syd Blakovich. Mais à mon étonnement, la production est beaucoup plus soignée que cet après-midi, le huis clos est très beau, les matières, les sons, les peaux sont traitées avec délicatesse. On a droit à des flous, du mouvement, une ambiance impressioniste assez réjouissante dans ce grand déballage de sexe un peu cru. A la sortie de la séance Louise de Ville - performeuse parisienne venue spécialement pour le festival - en est encore toute retournée "ça m'a fasciné cette manière de filmer la sensualité sans forcément donner dans la douceur". Retour au brut pour les productions françaises avec Wendy Delorme et Judy Minx dans "Wendy et Judy" de Todd Verow - et oui un homme qui filme des lesbiennes...- et surtout le court-métrage d'Emilie Jouvet "Judy's panties. Court un peu long (30 minutes) et pour le coup tout sauf soigné. La photographe et réalisatrice qui s'est fait un nom dans le queer porno depuis "One Night Stand" a tourné un truc quasi documentaire, et aurait pu du coup nous épargner le mini-scénario niais de départ (une femme en train d'étendre son linge, son mec qui veut la baiser). Judy Minx et Killer, couple à la vie, baisent à la dure. C'est long, trash, pénible. Coups de ceinture, godes, mains enfoncées dans la bouche jusqu'à vomir, fist fucking violent. Je regarde autour de moi, sur les sièges ça gigote, mal à l'aise. Je me demande qui ça excite, à mon avis personne. Et c'est bien là que se situe la frontière entre porno commercial et arty. Peu importe la réaction du public, on regarde là une forme de cul qui existe, qui est porté à son extrême, mais consentant. "C'était vraiment dur à regarder en tant que spectatrice résume Louise, mais dans le film on voit bien qu'elle lui demande en permanence si ça va, si elle veut continuer. C'est elle qui dit encore, elle souffre peut-être mais elle prend du plaisir". Moi je sors lessivée par ces deux heures de projo. Demain, j'arrête.
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