C'est la curiosité qui nous pousse à se rendre les yeux (presque) fermés à la Haus der Kulturen der Welt. Cette fois-ci c'est pour Transit 09 - festival de "Performing Arts" autant dire festival de tout ce qui est contemporain, atypique, entre danse, théâtre et performance, une carrefour des genres où tout peut nous surprendre. C'est Monnier/La Ribot dans Gustavia qui nous a alerté du festival. D'accord pas des grandes découvertes, mais derrière ces grands noms de la danse contemporaine, le reste de la programmation ne nous dit rien, ce qui est plutôt bon signe en termes de nouveaux horizons.
Le théâtre performance de Mapa Teatro, compagnie colombienne aux racines suisses. Deux créations aux antipodes, l'une glacée et douloureuse, l'autre bouillonnante et kistsch."Ansio los Alpes; asi nacen les Lagos" réunit les adaptations de deux textes de Händl Klaus. Une femme se meurt, elle étouffe, rêves de glace et de bruits de montagne, rêve de froid et d'air des Alpes. Sur scène derrière un rideau blanc, une femme nous parle par le truchement de la caméra. Un lapin blanc avance de tronc en tronc, rêve blanc de la femme en noire. La voix nous parvient, travaillée, haletante. La pièce est en espagnole, sous titrée en allemand. Je me laisse porter par le souffle et la vision blanche sur scène. Tout à coup ce décor étriqué coincé entre un rideau et deux télés se déploie. Le mur tombe, c'est magique. Les voici enfin les Alpes, la neige, la montagne, le froid. La scénographie est splendide duvet blanc et cabane de bric et de broc. Un pied en Suisse, un autre en Amérique du Sud. Et pourtant cette sensation d'étouggement et d'oppression ne nous quitte pas. Rolf Abderhalden construit des images calmes et violentes à la fois. Derrière les barbelés un homme-chasseur nous menace. Sentiment d'insécurité dans un monde perdu. Je suis venue avec Oscar, un ami artiste et colombien. A la fin de la pièce il peut à peine parler, pris dans cette atmosphère inquiétante qui lui rappelle trop son pays, Bogota.
Dans "Opereta Marciana", Mapa teatro se saisit d'autres codes, moins celui de la violence que de l'apparence, du clinquant, et du déviant aussi. Cela se passe au bar de la HKW dans un format cabaret. C'est gratuit, ouvert à tous. D'un film de science fiction mexicain ringard des années 60 - rien que le nom vous donne des frissons "Le démon bleu contre l'invasion des femmes"-, ils ont construit un cabaret où les personnages de femmes sont doublées par quatre travestis colombiens et les dialogues remplacées par des chansons. Miracle de play-back, déhanchements incroyables, gestuelles cabaret. Démesuré et touchant.
Il y avait évidemment beaucoup d'autres uchoses à voir et écouter pendant ce In transit 09, beaucoup de performances, dont celle d'une autre Colombienne Maria José Arjona coincée entre deux murs blancs ouverts au passage sur lesquels elle a fait éclater des bulles rouges avant de mieux les effacer à la craie blanche. Passage du temps, patience, apparition, disparition, couches et ravalements de façades. Cette belle œuvre acharnée s'est conclue par du Edith Piaf jusqu'à extinction de voix.
J'ai bien aimé également l'installation de Melati Suryodarmo venue d'Indonésie. Elle a passé des heures dans une boite vitrée. Longs cheveux bruns sur robe rouge satinée. Posée sur l'herbe verte entourée de lapins blancs (vivants...) elle garde la pose comme pour un tableau vivant. Seule l'anime la musique de Bach qui s'élève par la voix d'une chanteuse et d'un violon. L'image est belle, la musique envoûtante. J'aurais pu rester longtemps là, à la regarder. Le soir tard, je l'ai vue sortir de sa cage. Je me suis demandée s'ils sentaient mauvais, les lapins.
La danse d'Aitana Cordero me laisse un goût plus mitigé. Sa pièce "The Duet" pose un postulat: elle abandonne son corps à trois autres danseurs qui tour à tour construisent des duos avec ce corps-poupée, dont ils peuvent faire ce qu'ils veulent, ou presque. On est là autour d'eux, très proches de ce carré blanc qui délimite l'espace de jeu. Au début ils sont quatre, forcément le rythme est élevé, le corps se soulève facilement, l'énergie ne faiblit jamais. Puis ne reste qu'un danseur, un homme, qui choisit la force, une charge vraiment sexuelle où le corps de l'autre est pris dans une parade. Les portés sont physiques, le danseur prend peu de pauses. Les deux autres seront plus dans la douceur, dans la faiblesse, on ressentira la lourdeur de ce corps qu'il faut retourner, emmener. L'exercice de style est assez intense, pas ennuyeux. Mais il reste pour moi un prémice à la création, un exercice somme toute classique en danse contemporaine (se laisser aller au mouvement des autres), qui ne prouve rien, n'apporte rien si ce n'est cette charge sexuelle et narcissique aussi. Ce duo est inégal, et c'est finalement le danseur qui bouge qui perd la partie. Elle, est la reine qu'on séduit, qu'on déplace, qu'on caresse, qu'on maltraite aussi. Elle devient centre, objet unique d'attention. La posture finit par m'agacer. Pourtant il y avait vraiment une belle intensité sur le plateau.
Ca s'inflige aussi des sévices dans Gustavia, le duo de La Ribot et Mathilde Monnier qui fait le plein dans le (trop) grand auditorium. Rideau noir devant, derrière, par terre. Les deux chorégraphes convoquent le théâtre et le cinéma, le mime et le punk. Deux paires de jambes infinies tanguent sur talons hauts. A l'autre bout du noir encore, et deux têtes blondes, grimaçantes, implorantes. Qui sera la meilleure pleureuse? De bout en bout les deux dames, plus si jeunes, surjouent le burlesque, le crépage de chignon, le comique de répétition dans ce grand cirque funéraire. Ah cette planche de bois qui dix fois, vingt fois, trente fois, fait vaciller Monnier. Et ces apparitions-disparitions dans les plis du rideau noir. Il y a du chien dans cette création là, Gustavia. Il y a du savoir faire, du plaisir. Un peu trop facile peut-être. Au premier applaudissement, on sursaute, quoi déjà? On imaginait que ça irait plus loin.
Dans "Opereta Marciana", Mapa teatro se saisit d'autres codes, moins celui de la violence que de l'apparence, du clinquant, et du déviant aussi. Cela se passe au bar de la HKW dans un format cabaret. C'est gratuit, ouvert à tous. D'un film de science fiction mexicain ringard des années 60 - rien que le nom vous donne des frissons "Le démon bleu contre l'invasion des femmes"-, ils ont construit un cabaret où les personnages de femmes sont doublées par quatre travestis colombiens et les dialogues remplacées par des chansons. Miracle de play-back, déhanchements incroyables, gestuelles cabaret. Démesuré et touchant.
Il y avait évidemment beaucoup d'autres uchoses à voir et écouter pendant ce In transit 09, beaucoup de performances, dont celle d'une autre Colombienne Maria José Arjona coincée entre deux murs blancs ouverts au passage sur lesquels elle a fait éclater des bulles rouges avant de mieux les effacer à la craie blanche. Passage du temps, patience, apparition, disparition, couches et ravalements de façades. Cette belle œuvre acharnée s'est conclue par du Edith Piaf jusqu'à extinction de voix.
J'ai bien aimé également l'installation de Melati Suryodarmo venue d'Indonésie. Elle a passé des heures dans une boite vitrée. Longs cheveux bruns sur robe rouge satinée. Posée sur l'herbe verte entourée de lapins blancs (vivants...) elle garde la pose comme pour un tableau vivant. Seule l'anime la musique de Bach qui s'élève par la voix d'une chanteuse et d'un violon. L'image est belle, la musique envoûtante. J'aurais pu rester longtemps là, à la regarder. Le soir tard, je l'ai vue sortir de sa cage. Je me suis demandée s'ils sentaient mauvais, les lapins.
La danse d'Aitana Cordero me laisse un goût plus mitigé. Sa pièce "The Duet" pose un postulat: elle abandonne son corps à trois autres danseurs qui tour à tour construisent des duos avec ce corps-poupée, dont ils peuvent faire ce qu'ils veulent, ou presque. On est là autour d'eux, très proches de ce carré blanc qui délimite l'espace de jeu. Au début ils sont quatre, forcément le rythme est élevé, le corps se soulève facilement, l'énergie ne faiblit jamais. Puis ne reste qu'un danseur, un homme, qui choisit la force, une charge vraiment sexuelle où le corps de l'autre est pris dans une parade. Les portés sont physiques, le danseur prend peu de pauses. Les deux autres seront plus dans la douceur, dans la faiblesse, on ressentira la lourdeur de ce corps qu'il faut retourner, emmener. L'exercice de style est assez intense, pas ennuyeux. Mais il reste pour moi un prémice à la création, un exercice somme toute classique en danse contemporaine (se laisser aller au mouvement des autres), qui ne prouve rien, n'apporte rien si ce n'est cette charge sexuelle et narcissique aussi. Ce duo est inégal, et c'est finalement le danseur qui bouge qui perd la partie. Elle, est la reine qu'on séduit, qu'on déplace, qu'on caresse, qu'on maltraite aussi. Elle devient centre, objet unique d'attention. La posture finit par m'agacer. Pourtant il y avait vraiment une belle intensité sur le plateau.
Ca s'inflige aussi des sévices dans Gustavia, le duo de La Ribot et Mathilde Monnier qui fait le plein dans le (trop) grand auditorium. Rideau noir devant, derrière, par terre. Les deux chorégraphes convoquent le théâtre et le cinéma, le mime et le punk. Deux paires de jambes infinies tanguent sur talons hauts. A l'autre bout du noir encore, et deux têtes blondes, grimaçantes, implorantes. Qui sera la meilleure pleureuse? De bout en bout les deux dames, plus si jeunes, surjouent le burlesque, le crépage de chignon, le comique de répétition dans ce grand cirque funéraire. Ah cette planche de bois qui dix fois, vingt fois, trente fois, fait vaciller Monnier. Et ces apparitions-disparitions dans les plis du rideau noir. Il y a du chien dans cette création là, Gustavia. Il y a du savoir faire, du plaisir. Un peu trop facile peut-être. Au premier applaudissement, on sursaute, quoi déjà? On imaginait que ça irait plus loin.
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