Etrange sensation que d'avoir connu plus de frissons avec les grands noms de la danse moderne (Le ballet de Lorraine, Trisha Brown) qu'avec les jeunes pousses du contemporain dans ce festival de "l'avant-garde". A l'exception notable tout de même de la Cie brésilienne Membros et son Febre choc et des deux jeunes chorégraphes d'origine néérlandaise, Jeftha Van Dither et Mette Ingvartsen. La danse contemporaine est encore un langage neuf, qui ne peut pas se satisfaire d'une attitude blasée ou même désillusionnée vis à vis du geste et de la danse.
Les deux solos de Soda Products, plateforme d'élèves chorégraphes à Berlin, que je suis allée voir donnaient l'impression d'avoir déjà fait le tour de tout. Leur seul moyen de réinventer le langage dansé semblait forcément passer par une phase de non-danse. Le premier parlait une heure dans un micro, sans le moindre début d'essai de mouvement. La deuxième simulait une séance de travail d'improvisation laborieuse et douloureuse, préférant finalement nous éclairer avec l'interview d'un chorégraphe anglais (on ne daigne pas nous dire de qui il s'agit, nous sommes entre initiés n'est-ce pas?) projeté au fond de la salle. Y'aurait-il encore un électrochoc, une remise en cause.... Mais non, c'est le vide total, le rejet et l'ennui. Même le public berlinois, assez porté sur l'indulgence, fait la gueule.
Autre étonnement devant le "Future?" du danseur congolais Faustin Linyekula. Son duo avec un danseur classique allemand (dans quelle mesure se sont-ils choisis, jusqu'à quel point cette pièce était une commande de Tanz im August) nous prend à parti dans une non-rencontre au goût amer. Ils devaient nous raconter je ne sais quelle histoire de rencontre interculturelle. Echec. Le danseur allemand, coincé dans ses 30 ans d'apprentissage classique, nous apparait tendu, étriqué dans ses mouvements, mal à l'aise. Faustin Linyudela semble presque s'en servir de faire-valoir tant son corps a lui développe fluidité, facilité. Mais il se perd dans une danse brouillonne. Et préfère prendre le micro après nous avoir promis que ce soir "il n'y aurait pas d'histoire à raconter, seulement la danse". "Comment pouvons-nous nous rencontrer?" demande t-il. "Devons-nous finalement nous rencontrer"?" La réponse est clairement non. Cette pièce avait le mérite de la franchise. C'est pas si souvent qu'on avoue comme ça un échec artistique. Cela en fait-il pour autant une œuvre à montrer à un public qui s'est déplacé?
Quant aux Slowaks, collectif de danseurs venus de Slovaquie et vivant à Bruxelles, leur "Opening Night" avait le mérite du mouvement, du ludique, de l'occupation de l'espace par grandes trajectoires, du jeu à plusieurs et de la musique en direct (Simon Thierrée, très remarqué dans sa chemise à franges et ses solos virtuoses). Il manquait certes un peu d'ordre dans cette heure de danse qui semblait souvent une accumulation de moments improvisés. Mais on y saisissait tout de même ce contournement de la danse folklorique slovaque (à l'école de laquelle certains des danseurs ont été formés), une combinaison de personnalités et d'individualités fortes qui prenaient plaisir à évoluer ensemble. Toujours ça de pris. A bien y réfléchir, je ne suis pas sûre que je conseillerai le spectacle à des amis (je sais qu'il tourne à Bordeaux). C'est peut-être ça le bon critère.
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