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mercredi 17 septembre 2008

La Zampa : corps à corps au Schwelle 7


Jamais entendu parlé auparavant, jamais soupçonné l'existence à Berlin de ce centre de danse contemporaine bien atypique, à la frontière entre art, danse et techniques sado-masochistes. Le Schwelle 7 se situe à Wedding dans la cour d'un vieil immeuble en bordure de canal. La semaine dernière, ce lieu créé en mars 2007 par le danseur Felix Ruckert accueillait la Compagnie de danse toulousaine la Zampa (Magali Milian, Romuald Luydlin) pour un atelier de recherche autour de la notion d'Impact. Dimanche soir, le rendu de l'atelier était public et nous étions peut-être quarante à regarder la quinzaine de danseurs explorer le contact et le choc entre les corps.  Le propriétaire des lieux n'était pas là, en création au Brésil. Felix Ruckert, danseur et chorégraphe de renommée internationale, est connu pour ses propositions radicales et extrêmes. Pour exemple sa pièce Secret Service, où le spectateur, les yeux bandés, s'abandonnait totalement aux mains et jeux des danseurs. Ou sa prochaine création, Farm, qui emprunte au registre sado-masochiste. Des corps de femmes suspendus expérimentent, cagoulées, les jeux des matières, métal, bois, eau, air. Ce danseur, formé entre l'Allemagne, Paris et New York a depuis longtemps laissé tomber le travail de compagnie (il a notamment dansé pour celle de Pina Bausch et Mathilde Monnier). Et préféré créer ses propres visions très expérimentales et clairement sexuelles. Impliqué depuis de nombreuses années dans la pratique SM, il a enfin, avec le Schwelle 7, réussi à réunir des artistes, performers de tous horizons, n'ayant pas voulu trancher entre art et sexe. Cela a coûté à Ruckert ses subventions de la ville de Berlin. Peu importe il continue avec d'autres moyens et surtout son succès à l'international. Ce lieu accueille tout aussi bien des stages, des cours, des performances que des festivals extrêmes et une soirée devenue mensuelle, la Play Party, très courue dans le milieu SM berlinois. C'était d'ailleurs lundi, pour la pleine lune.

Plein écran

Mais revenons à la soirée de rendu du workshop de la Cie la Zampa. Le chorégraphe Romuald Luydlin nous prévient à l'entrée "Ceci n'est ni un spectacle, ni une performance. Nous avons travaillé toute la semaine, ce que vous allez voir marque tout simplement la fin de cette recherche". Dans la présentation du workshop, la Zampa écrivait "L'impact est notre point de départ, nous devons alors amortir le coup, recoller les morceaux autrement et inventer la suite. La suite, le futur est ce que nous ne connaissons pas. Il nous faut y croire et l'imaginer. Se construire un parcours, trouver un passage." J'ai un peu suivi ça de l'intérieur via Blanche, qui participe à l'atelier et habite chez nous. Je dispose de quelques indices, sur les personnages qui participent, sur les consignes, sur les attentes. Rien n'indique qu'il s'agisse d'une représentation, à part les spectateurs, assis ça et là sur de hauts matelas ou à même le sol. Et les 5 euros d'entrée. Quand nous entrons dans la salle, les danseurs sont déjà en mouvement.
Malgré les anneaux suspendus et les corps nus, la Cie n'a a aucun moment voulu orienter son travail vers du sexe explicite. Impossible cependant d'éviter des images quand deux corps moitié nus se rencontrent s'entrechoquent ou se caressent. Nous ne sommes cependant pas non plus totalement dans la danse. Cela manque parfois. Les corps sont souvent relâchés, abandonnés, l'éveil n'est pas permanent, surtout au début de l'improvisation qui durera une heure et demie. Seuls quelques uns des performers réussissent à maintenir l'intensité tout du long. Mon attention est captée par quatre ou cinq d'entre eux, plus généreux, plus dans un jeu, plus dans la peau de quelqu'un qui se produit devant d'autres. Il y a bien sûr Dasniya, maitresse des lieux, (co-fondatrice du Schwelle 7 avec Ruckert) maitresse "dominatrice", qui cherche les regards, assume un personnage, joue avec le spectateur. Il y a aussi ce grand corps enrobé, masse lourde et douce à la fois. Un grand homme nu, pas danseur du tout m'a t-on dit, mais le moindre de ses gestes m'interpelle. Cet autre danseur, qui marche et tombe violemment sur le sol, dégage aussi une force un peu magnétique. L'improvisation fonctionne finalement assez bien. Avec pour terreau le groupe, pour aiguillons quelques individualités plus adeptes de la prise de risque. A peine quelques néons éclairent en contre-jour les corps. Puis peu à peu l'obscurité se fait, brisée par les flashs de lampes de poche. Collée au sol à quelques centimètres des danseurs, je ressens aussi la douceur, la violence, les frottements, je vois les bleus sur la peau, les grains de la chair, j'entends les halètements, les cris. La musique surtout. Deux bidouilleurs-musiciens (Valérie Leroux, Vincent Lambert) improvisent en live et face à nous. De leurs ordinateurs ils tirent une matière organique enveloppante qu'ils malaxent entre nos oreilles et autour du ring qui sert de point de contact aux danseurs. Bruits, musique, mots lâchés pendant les répétitions, résonnent en boucle et s'enchevêtrent. Le son conduit, suit ou suspend les évolutions des performers. Retient la tension du spectateur. Les deux chorégraphes continuent à glisser des consignes de temps en temps, gèrent la lumière et la non-lumière, retiennent encore l'attente de la rencontre des corps. La non-performance se transforme en une matière vivante et intense. Tout se calme dans le noir, épaissi par une matière sonore inquiétante. Pas de fin. Juste un néon, qui nous cogne les yeux sans manière. Et des corps qui se rhabillent.

Pour info le célèbre chorégraphe et danseur Julyen Hamilton donnera un workshop du 15 au 19 décembre et présentera des performances les 20 et 21. La nouvelle pièce de Felix Ruckert "Farm" sera aussi présentée en décembre au Scwhelle 7.
Quant à la Zampa, ils seront au CDC de Toulouse du 15 au 17 octobre avec Dream on Track 1.

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