Regard curieux sur une capitale en MOUVEMENTS

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mardi 26 août 2008

Hymnen, génialement monumental

Au commencement est la musique. Irradiante, enveloppante, irritante. Je reste attentive, suspendue aux sons, aux bruissements, aux frémissements, aux bribes remixées d'Internationale, de Marseillaise ou de toute autre hymne nationaliste, parfois à peine reconnaissable. Hymnen, saissante fresque électronique de Karlheinz Stockhausen, a été composée en 1967 à partir de matériaux sonores récoltés ça et là, de discours, de cris d'enfants, de bruits du monde et de 40 hymnes. Un grand bidouillage des nations, puissant et monumental, et pourtant à la gloire de rien ni personne. Au contraire l'œuvre semble directement parler à l'intime, à moi, à nous. 30 danseurs, deux chorégraphes et un scénographe font le cadeau d'une musique. Ils donnent à entendre dans les meilleures conditions possibles une partition presque inécoutable autrement. L'ensemble est monumental, résonnance d'une époque (68) où l'espoir collectif, la croyance dans le pouvoir du groupe, l'agencement entre individu et collectif étaient aux cœur des interrogations. Le ballet Hymnen, présenté deux soirs à Berlin par le Ballet de Lorraine, irradie de cette douce utopie du mouvement exécuté ensemble, à plusieurs, sans mise en valeur d'aucun, sans oubli pour autant de la mise au service d'une œuvre. Je suis sortie de la salle avec ce sentiment d'avoir assisté à quelque chose de rare et précieux.
Méthodiquement le plasticien Gérard Fromanger décompose la lumière blanche, balaye le spectre chromatique, couleurs primaires d'abord, complémentaires ensuite.Touches de couleur, dans des tenues sobres, les danseurs se déplacent tels des électrons. Pas libres, non. Au contraire, comme dans la nature, chacun est à sa place, comme celle d'un ADN. La beauté est ordonnée ici. Et pourtant porteuse d'un souffle de vie. C'est étonnant.
On imagine les deux chorégraphes penchés sur les danseurs, sur les pas, sur les figures géométriques du ballet, obsédés par les sons qui arrivent, les silences, les pauses,. Didier Deschamps et Lia Rodrigues étirent les possibilités du groupe, par, deux, par trois, à trente. On goûte le poids des portés, la profondeur des pliés, la fragilité des équilibres, l'élasticité du groupe. Que nous disent-ils ces danseurs ? Rien semble t-il et pourtant tout. Ils construisent une communauté d'êtres dans ce qu'elle pourrait avoir de plus beau. Nous ne sommes ni dans le figuratif, ni dans l'interprétation. Nous sommes dans la danse, de plain pied, nous sommes devant un groupement qui se met au service d'une œuvre musicale majeure. Et tant mieux les 2h, ettant mieux les longueurs, et tant mieux ces mouvements qui se renouvellent, se répondent, encore et encore. Utopie dans le bruit et la fureur du monde. Dans le brouhaha électronique de Stockhausen.

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