

J'en reviens à ma petite déception de la semaine : Herz der Finsternis. Andreas Kriegenburg fait le choix de laisser parler le texte, l'adaptation comporte très peu de dialogue, beaucoup de récitations, de préférence en chorale. Un dire-ensemble qui s'avère poussif, artificiel. On perd alors de vue la chair du roman, son incroyable noirceur, son aura mythologique. Il y a pourtant de très belles images façonnées là, comme ces six marionnettes géantes, squelettes noirs faméliques, symboles d'une Afrique pillée, ou ces trois murs blancs "psychiatriques" où la raison n'a plus cours. Mais la troupe des sept acteurs semble engluée dans le texte presque autant qu'elle est dans la glaise qui recouvre corps et visages. Le personnage de Kurtz n'a pas assez de charisme ni de mystère, Marlow demeure désespérément seul malgré les six voix qui le portent dans son voyage au bout de l'enfer. Au Deutsches Theater, c'est plutôt la première de Woyzeck demain soir qui retient mon attention. Le concept est de Robert Wilson, les chansons ont été écrites et composées par Tom Waits et sa compagne Kathleen Brennan et la pièce montée en 2000 au Berliner Ensemble. Aujourd'hui c'est la jeune Jorinde Dröse qui s'y frotte pour sa première pièce au Deutsches Theater. Le rock trouble de Tom Waits pour revoir la pièce inachevée de Büchner. Ca devrait valoir le coup. J'allais oublier, le DT ouvre ses portes, ses coulisses, ses salles de répétition aux visiteurs le 4 octobre à partir de 14h. On devrait pouvoir y croiser comédiens, metteurs en scène et techniciens. Woyzeck première le 2 octobre au DT, Herz der Finsternis, le 7, le 13 et le 17 octobre.
Découverte réjouissante la semaine dernière au Heimathafen de Neukölln, un tout jeune théâtre géré par une troupe qui a décidé de faire une scène locale, innovante et en même temps attachée à son quartier. Samedi soir la salle était encore pleine à craquer pour la pièce à succès de cette petite scène, Arabboy. Une adaptation du roman-docu de Güner Balci, travailleuse sociale de Neukölln. Dans ce scarface à la sauce berlinoise, un petit malfrat d'origine kurdo-palestinienne, y traine son désoeuvrement avant de basculer du côté sombre : proxénétisme, viol, vols, trafic, prison. La trame en elle-même n'a rien de très original, penche parfois même dans le cliché même si elle a le mérite de poser un regard froid et sans psychologie sur cette histoire personnelle dramatique. La metteure en scène Nicole Oder s'en tire avec intelligence, choisit d'accélérer toujours plus le rythme, sans jamais qu'on reprenne son souffle. Cela aurait été impossible sans la prestation époustouflante des acteurs. Un trio explosif : le héros joué par le tout jeune Hüseyin Ekici, 18 ans, tout en énergie et en puissance, et deux électrons sensationnels qui endossent pas moins de 17 rôles annexes. Inka Löwendorf et Sinan Al-Kuri font de cette pièce un moment exceptionnel, où jamais la tension ne retombe malgré un décor réduit au strict minimum et aucune sortie de scène. Inka Löwendorf joue les caméléons sans transition entre un petit malfrat qui vit dans l'ombre du copain grande gueule, une mère voilée dépassée par la violence de son fils, une juge pour mineurs à mille lieux des réalités du quartier, une jeune fille violée, une midinette fleur bleue, un vieux réparateur de chaises au parler berlinois. Dans ce jeu de métamorphose elle nous étourdit, gardant elle toujours le cap. Ce week-end pas de représentations d'Arabboy, le Heimat Hafen se consacre à un festival de slam, et Inka Löwendorf, entrée dans la troupe de la Volksbühne, joue dans Der Bauch, de Kurt Bartsch, une comédie familiale made in DDR que je n'ai pas encore vue mais qui semble faire le régal des critiques (et ça n'est pas si fréquent à la Volksbühne). Pour René Pollesch et sa Ruhr Trilogie, dont la Teil 2 est à voir en ce moment dans le théâtre de Castorf, on y reviendra plus tard, mais à conseiller aux passionnés de cabaret post-industriel.
Pour ce que je n'ai pas vu, mais que je conseille : la balade en bus sur les traces du mur et de Pink Floyd au nom interminable 400asa Sektion Nord Der Sumpf. Europa Stunde Null programmée jusqu'à samedi par la Sophiensaele, le Nordwind festival accueilli par le Hebbel am Ufer où théâtre, danse, installations, performances, concerts venus des pays du Nord se déclineront à la Hau 1, 2 et 3 jusqu'au 9 octobre. Rachid Taha vient ouvrir le Francophonic Festival avec un concert ce soir à la Kesselhaus. Jusqu'au 18 octobre on y verra aussi Peter Van Poehl, Oshen, Mansfield Tya, Sebastien Schuller ou Stuck in the Sound.
S'il reste du coeur et de l'énergie dimanche soir la sombre Shannon Wright sera au Magnet pour un concert intime. Je ne garde pas un souvenir indélébile de son passage à Bordeaux il y a deux ans, trop timide, trop effacée derrière sa grande frange mais la voix ferait frissonner n'importe qui. Pas non plus encore écouté son dernier album Honeybee girls qui vient de sortir, mais Flight safety et Let in the light sont des petits bijoux.
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